Sur la rive sud du lac de Neuchâtel se trouvent de magnifiques plages de sable et de petits ports de plaisance qui donnent un côté méditerranéen au lac. Mais s’arrêter là serait un affront à la biodiversité que l’on y trouve, notamment au cœur de la réserve naturelle de la Grande Cariçaie. Et cette réserve, Christophe Le Nédic la connaît par cœur. Depuis plus de 30 ans, en tant que biologiste, il œuvre pour son bien-être. Un travail de passionné au quotidien.
Plus grand marais lacustre de Suisse, d’une surface de 3 000 ha, le site est classé d’importance internationale en raison de ses importantes populations d’oiseaux d’eau, notamment en hiver. Il s’étend de Grandson jusqu’à Cudrefin, à l’autre bout du lac de Neuchâtel. Située entre les cantons de Vaud, Neuchâtel et Fribourg, la réserve dispose également de deux centres-nature. Celui de Champ-Pittet, dans le Nord vaudois, est géré par Pro Natura. La vocation de ces centres est l’éducation et la sensibilisation à la protection de la nature.
La réserve a la particularité d’héberger près d’un quart de la faune et la flore helvétique, à savoir 10 000 espèces animales et près de 1 000 espèces végétales, comme la menthe aquatique, par exemple.
Il convient de préciser que parmi ces nombreuses espèces, beaucoup sont rares. En effet, les marais en Suisse ont beaucoup diminué au cours des 150 dernières années. Différentes raisons sont à prendre en considération, mais retenons par exemple l’assèchement, le drainage des sols ou encore le développement du bâti humain.
Si la réserve fait partie du patrimoine naturel intercantonal aujourd’hui, il faut aussi expliquer que celle-ci est apparue à la suite d’une intervention humaine. Effectivement, dans les années 1870, un arrêté fédéral ordonne la réalisation des travaux de correction des eaux du Jura. Ces travaux ont lieu à la suite de différentes études et rapports sur les dangers que pouvait représenter l’hydrologie dans la région des trois lacs, notamment pour sa population.
A la suite de différents travaux, l’une des conséquences les plus visibles fut la baisse du niveau des lacs de Bienne, Morat et donc Neuchâtel, qui fut abaissé de 2,7 mètres. Vous comprendrez aisément que ce changement drastique du niveau d’eau a permis de dégager certaines zones bordant le lac d’alors, et c’est ainsi que furent créées des conditions favorables à l’essor des zones marécageuses avec l’apparition de cette nouvelle rive.
Finalement, dès les années 1940, cette zone de marais fut utilisée pour le développement d’infrastructures en lien avec le tourisme : campings, résidences ou ports. A tel point qu’au début des années 1980, près de 25% de cette zone avait été utilisée pour des activités humaines. Pour lutter contre cette dénaturation, le Plan Directeur Intercantonal des Rives du lac de Neuchâtel fut établi en 1980 afin de classer certains espaces en zone de réserve naturelle protégée et par conséquent d’y interdire les constructions. Ce sont ces zones qui sont devenues, par effet domino, les réserves naturelles de la Grande Cariçaie.
C’est un autre projet d’envergure qui a permis de créer l’Association de la Grande Cariçaie et de formaliser la protection de cette zone. En effet, l’autoroute A1 était projetée à travers cette région. L’éventualité de cette issue a soulevé les foules contre le projet. En effet, un vaste mouvement s’est alors mobilisé pour que l’autoroute voit son tracé modifié, ce qui a permis entre autres de récolter près de 500 000 signatures contre l’autoroute et pour la Grande Cariçaie. Et c’est ainsi qu’en 1982, le plan intercantonal des rives fut adopté.
Au moment de dresser un rapide compte-rendu des nombreuses années passées et innombrables rencontres et moments privilégiés vécus en pleine nature, Christophe Le Nédic se livre. En effet, il dit avoir eu « cette passion pour la nature depuis son tout jeune âge » et estime que c’est une grande chance d’avoir pu en faire son métier.
Pour ne citer qu’un des moments forts ou souvenirs dont il se souvient, Christophe Le Nédic évoque le recensement des rainettes, de petites grenouilles au chant puissant. Celles-ci sortent de nuit, conférant à l’espace naturel une ambiance remarquable et magique.
Avec le recul sur sa période d’activité au sein de la réserve, il constate que celle-ci n’a pas trop changé, ce qui est plutôt positif au vu de la mission de préservation du lieu. Cependant, certains changements sont observés en raison des changements climatiques, par exemple avec l’apparition ou la disparition de certaines espèces. Il souligne également une intensification des phénomènes violents au niveau météorologique, notamment avec des périodes de sécheresse marquées ou, au contraire, des périodes de crue importantes dans les marais. La répétition de ces phénomènes extrêmes inquiète notamment Christophe Le Nédic et ses collègues biologistes.